La répartition du nombre de communes du territoire national en considérant le nombre d’habitant dresse un paysage sans appel sur le morcellement du territoire et la concentration des populations dans quelques grandes villes, ce qui n’est pas sans conséquences sur la situation et les difficultés que rencontrent une partie de nos campagnes.
La réalité chiffrée est que pour 36 000 communes (environ), seulement 1 000 ont plus de 10 000 habitants et, parmi celles-ci, seulement 50 dépassent les 100 000 habitants. Notre histoire a façonné ce paysage et les mentalités de telle façon que l’attachement au « clocher » comme lieu des origines reste très puissant et malgré les inconvénients qu’il comporte pour la conduite d’une politique à l’échelle nationale, aucune décision n’a pu raisonnablement imposer un regroupement qui diviserait le nombre de communes par dix et rendrait la gouvernance des territoires plus facile. Au lieu de cela, on a fabriqué des organisations pour contourner le problème et le résoudre d’une manière qui coûtent en énergie, en temps, en argent et crée de la complexité. Le principe de l’intercommunalité en est un bel exemple. Gageons que le temps fera évoluer les mentalités, si la nécessité d’adopter bientôt des réformes plus drastiques ne l’emporte pas avant.
En 1947, François Gravier publiait « Le Désert français », qui dénonçait le poids de l’histoire et ses incidences toujours présentes sur la politique de l’aménagement du territoire, qui continuait de raisonner à partir de Paris et de la région parisienne, organisant ainsi l’exode des populations et des richesses vers la capitale. C’était après le second conflit mondial dans un pays à reconstruire et ce livre eut une portée considérable que son auteur n’avait pas prévu et, in fine, il servit de point de départ et de guide à une grande part de la politique de l’aménagement du territoire des cinquante dernières années.
Si le résultat a été une politique volontariste en faveur du développement des villes moyennes, cela n’aura pas suffit à leur donner une importance suffisante pour qu’elles puissent aboutir à des masses critiques capables d’irriguer les territoires alentours et résister à la métropolisation des plus grandes villes qui est apparu plus récemment. En effet, tandis que les retombés de ces politiques de revitalisation des régions se mettaient progressivement en place, la mécanique de la décentralisation instaurée et de développement des métropoles régionales, à partir de 1982, a provoqué dans les régions un système parallèle de mise en compétition des territoires et des plus grandes villes, qui devait devenir compétitives au niveau européen voire mondial…
La réalité est évidemment plus complexe, les enjeux plus croisés et le résultat pas forcement prévisible. Les paramètres initiaux ont effectivement considérablement évolués. Par ailleurs, il n’y a probablement pas de solution miracle pour résorber le « désert français ». Mais, il n’en reste pas moins que le glissement, du principe louable de déconcentration vers les territoires pour leur donner les moyens de se développer, au renforcement massif de métropoles régionales aboutit, un demi-siècle plus tard, pas très loin du point de départ pour ce qui est du délaissement des zones rurales. Ce qui a changé, c’est la prise de conscience plus aiguë du phénomène, un panorama administratif, somme toute, plus favorable et la volonté politique de revitalisation des territoires délaissés pour lesquels le rapport Yves Dauge de 2017 a été un accélérateur décisif.
Plus récemment, la ministre de la Culture a présenté sa stratégie ministérielle pour le patrimoine qui impose aux acteurs concernés, parmi d’autres mesures, de se mettre en ordre de marche pour qu’ils contribuent activement à la revitalisation des centre-villes anciens, impulsant également par là, la mise en œuvre des nouveaux sites patrimoniaux remarquables (SPR) que définit la loi LCAP de juillet 2016.
Cette nouvelle rubrique de « Pierre d’Angle », « Villes et territoires » se fera désormais l’écho, de magazine en magazine, de toutes ces évolutions que porteront les collectivités et les services de l’État et de la manière dont se co-construiront des projets au profit des territoires en souffrance et de leurs habitants, avec comme moteur la qualité du cadre de vie au travers de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine architectural, urbain et paysager.
Les architectes des bâtiments de France et les maires ont déjà produit ensemble par le passé pas loin d’un millier de plans de sauvegarde et d’aires de valorisation qui ont démontré les effets positifs qu’ils peuvent avoir quand ils sont une des pièces constitutives d’un projet de territoire global. Ils ont, de cette façon, accumulé de l’expertise et de l’expérience à partager qui sera fort utile pour ces nouvelles échéances.